Using co-modal teaching and learning for social engagement and multilingual citizen science

Dans ce module, vous apprendrez à devenir un acteur pour le changement dans votre communauté. Vous saurez comment
concevoir des interventions activistes en faveur de la cause que vous défendez, quelles sont les différentes méthodologies que vous pouvez utiliser et comment insérer dans votre intervention les paramètres de l’interculturalité et du multilinguisme d’une manière démocratique et respectueuse des droits de l’homme.

Unité 1 : Le multilinguisme et l’interculturalisme dans une perspective militante.

Le multilinguisme et l’interculturalité sont deux concepts fondamentaux pour le bon fonctionnement des sociétés démocratiques. Dans cette unité, nous approfondirons le concept d’interculturalité en analysant la relation entre langue et culture. Nous appliquerons une approche critique aux différentes visions du monde et imaginaires qui sous-tendent le concept d’interculturalité.

Unité 1.1. Donner un sens au multilinguisme et à l’interculturalité

Comme c’est le cas pour le concept de multilinguisme, que nous avons étudié dans les modules E et _, le terme interculturalité apparaît dans d’autres modules. Pour ne citer qu’un exemple, dans le module E. Crowdfunding for multilingual and intercultural purposes nous analysons des exemples de campagnes qui promeuvent l’interculturalité et le multilinguisme. Le terme est extraordinairement fréquent à l’heure actuelle : cités interculturelles, compétences interculturelles, formation interculturelle, communication interculturelle, médiation interculturelle, conception interculturelle, citoyenneté interculturelle, esprit interculturel, leadership interculturel, gestion interculturelle, relations interculturelles, interactions interculturelles, politesse interculturelle, constitutionnalisme interculturel, espace interculturel… Cette terminologie extrêmement variée amène à noter que, sous le concept d’interculturalité, nous pouvons trouver une grande diversité d’approches. L’objectif théorique de cette unité est de réfléchir à tous ces concepts et d’approfondir les valeurs qui les sous-tendent. C’est seulement ainsi que nous pourrons garantir que les interventions militantes que nous concevons non seulement promeuvent des valeurs démocratiques, mais qu’elles soient aussi transversalement interculturelles et multilingues.

Cette utilisation si omniprésente et ambigüe des termes interculturel et interculturalité fait d’eux des mots significatifs, c’est-à-dire des mots courants qui ont des valeurs très différentes et qui construisent leur signification concrète en fonction des personnes et des contextes qui les utilisent et d’autres termes qui les accompagnent. C’est ce qui ressort d’une grande complexité herméneutique due à différents facteurs. Les observations suivantes nous aideront à les analyser :

  • Son utilisation : Il est utilisé comme substantif – nous entendons par là l’interculturalité en tant que concept – ou comme adjectif qualificatif. Dans ce dernier cas, il se combine avec les termes les plus divers et donne une valeur à différentes réalités. Cette valeur peut être aussi bien positive que négative et sa perception ne réside pas dans la chose elle-même, mais dans la ou les valeurs idéologiques qui lui sont attribuées par celui qui l’utilise

Activité : Nous vous présentons deux affiches d’une activité dans la ville de Santander (Espagne) promue par son conseil municipal. Entre les deux événements, il y a 10 ans.

      • Quelles sont les valeurs associées à cette entité au terme interculturel ?
      • Notez-vous l’évolution du concept d’interculturalité au fil des ans ?
      • Avez-vous des expériences similaires dans votre entourage ? Identifiez les expressions où figure le terme interculturel et tentez d’en expliquer la signification en analysant les termes et les images qui l’accompagnent.

Pour réfléchir : Le Conseil de l’Europe définit l’intégration interculturelle comme “un cadre politique pour assurer la cohésion, l’égalité et le développement dans des sociétés culturellement diversifiées”. Pensez-vous que le type d’activité “ferias interculturales” favorise l’intégration interculturelle ?

(Source : Ayuntamiento de Santander)

Quelques précisions : Si nous appliquons les techniques d’analyse critique du discours (vous pouvez en apprendre davantage sur cette discipline ici), une observation détaillée des deux affiches permet d’apprécier les éléments auxquels il est fait référence dans un premier temps et qui perdurent au fil des ans, ainsi que les éléments qui ont fait évoluer le concept. Si l’on analyse la première affiche, la valeur de départ est l’association étroite de l’interculturalité avec le festif et le positif. L’utilisation récurrente du terme “festival”, tant dans l’affiche que dans les hashtags, est particulièrement appréciée ; elle est récurrente et répétée. La ville est considérée comme un espace clos qui s’ouvre à la multiplicité des cultures et cette multiplicité a pour territoire le “monde”, c’est-à-dire la planète. L’ouverture, la diversité et le monde sont également des associations positives. Les couleurs vives de l’affiche le confirment.

Dans la deuxième affiche, on constate clairement une évolution. Il s’agit de faire connaître le même type d’activité, mais le logo a changé de façon claire. L’adjectif “interculturel” – très visible dans le premier logo – a été relégué au second plan dans le logo principal. L’affiche conserve l’accent sur les festivités, mais fait apparaître avec force deux concepts associés : d’une part, le concept de nation et, d’autre part, divers termes commerciaux.

Les deux affiches font le lien entre l’interculturalité et le concept de nation. Dans la première affiche, le terme “nation” apparaît de manière très discrète : il figure dans deux des trois hashtags, tandis que les termes “interculturel” et “culture” sont les plus pertinents. Dix ans plus tard, la même activité se définit de préférence comme un marché de nations, clairement reflété dans l’image à cheval entre plan, urbanisation fermée et camp de réfugiés. Cette priorisation du terme “nationpose problème lorsqu’elle est associée à la prévention du racisme dans le hashtag de la partie inférieure de l’hémicycle, “que le racisme ne te frappe pas”. D’autre part, la culture s’est commercialisée : dans la partie droite se trouvent les différentes activités commerciales prévues – gastronomie, cuisine, marché, musique – qui sont associées à des termes similaires à interculturel : international, global, mondial. Il est intéressant d’apprécier l’abondance des termes en anglais. Enfin, à travers le slogan #siente el mundo, la culture libère sa part de racisme pour être définie par les émotions.

  • Sa définition : Définir des limites par rapport à d’autres termes similaires dans un contexte donné. Dans ce cas, les termes les plus courants sont multiculturalité, multiculturalisme, etc.) ou même leurs opposés possibles, par exemple l’assimilationnisme. Chaque utilisation a des conséquences différentes en ce qui concerne la conception de la citoyenneté et sa relation avec la culture. Bien qu’ils ne soient pas toujours utilisés de manière précise, le tableau suivant montre l’implication de chaque terme par rapport aux droits des personnes.
Modèles de gestion de la diversité culturelle (Source : Manual de competencias interculturales aplicadas al desarrollo de proyectos en la Administración Pública (2020))

Activité : Dans l’activité précédente, nous vous avons demandé d’identifier des expressions où le terme interculturel est utilisé dans votre contexte. Certaines d’entre elles sont liées aux contextes migratoires. Si nous tenons compte du tableau précédent, pensez-vous que l’utilisation du terme interculturel corresponde à la réalité des droits que recouvre ce terme ? En termes de marketing politique, cela aurait-il le même effet d’appeler l’évènement “festival multiculturel” ou “festival assimilationniste” ?

Quelques précisions : Souvent, l’objectif de ce type de “foire des nations” est d’ordre institutionnel et vise à promouvoir la tolérance en tant que vertu civique dans des environnements divers. Ce serait la raison principale dans le cas du conseil municipal susmentionné. L’Unesco définit la tolérance comme suit :

La tolérance consiste en un respect, une acceptation et une appréciation de la grande diversité, des cultures de notre monde, de nos formes et de nos moyens d’expression. Ils favorisent la connaissance, l’ouverture d’esprit, la communication et la liberté de pensée, de conscience et de religion.

En général, nous pouvons dire que la tolérance est une valeur très consensuelle dans les sociétés démocratiques. Le discours sur les droits est cependant beaucoup plus complexe et n’atteint pas toujours les niveaux de consensus nécessaires pour rendre possible une société inclusive, cohésive, juste et pacifique. La promotion de l’interculturalité au niveau municipal, comme c’est le cas dans l’analyse, devrait se traduire par l’extension des droits de la citoyenneté indépendamment de la culture.

  • La conception subjacente de la culture : Chaque utilisateur/a et chaque contexte ont des conceptions différentes de la “culture”. Celles-ci peuvent être très différentes d’un point de vue anthropologique et politique. Nous devons donc analyser avec un esprit critique chaque utilisation.

Activité : Quels sont les termes que vous associez habituellement au terme interculturel, et sont-ils les mêmes que ceux que vous associez à votre environnement (famille, communauté, politique) ?

Clé : L’interculturel est souvent associé, dans notre environnement, au concept de nation. D’où vient l’idée que la nation est une entité monoculturelle ? Êtes-vous d’accord avec l’association traditionnelle d’une langue, d’une culture et d’une nation ? Pensez-vous que cela fonctionne dans la façon dont vous pensez autour de vous ?

Unité 1.2. L’enjeu entre les concepts de nation, langue, culture et interculturalité.

Nous devons faire un peu d’histoire pour comprendre l’association entre les nations, les langues et les cultures. Nous vous invitons à lire l’article de l’historien José Andrés Gallego1 , du Conseil supérieur de la recherche scientifique d’Espagne, que nous résumons ci-après.

La diversité culturelle est un fait anthropologique présent non seulement dans l’histoire de l’humanité, mais aussi dans l’histoire de la perception que nous avons de nous-mêmes en tant qu’êtres humains. Comme l’indique Andrés-Gallego, si nous remontons à l’Empire romain, le terme commun en latin pour désigner une communauté était gens (de genus, langue). Il existait également le terme natio, qui était un vocabulaire très peu utilisé et qui désignait le caractère étranger d’une personne ou d’un groupe. Cette désignation trouvait son origine dans le terme latin homófono natio (naissance). Tant gens que natio s’utilisaient donc pour désigner des communautés humaines définies par leurs us et coutumes. Au fil du temps, gens a adopté un sens généraliste tandis que natio, comme nous le voyons, adoptera beaucoup plus tard un sens très restrictif comme communauté de valeurs.

L’Empire romain utilisait deux termes différents pour désigner les lieux en relation avec la communauté : civitas et patria. Civitas était le lieu habité par une communauté humaine et était défini par un statut juridique, c’est-à-dire qu’il désignait une réalité politique. Le terme patria était également un lieu habité par une communauté humaine, mais il était utilisé lorsqu’il s’agissait de signaler le lien de parenté. Par exemple, un citoyen de l’Empire pouvait se considérer simultanément comme patriote de sa civitas d’origine et comme patriote de Rome, qui était considérée comme la patria de tous les citoyens de l’Empire.

Curieusement, c’est avec le développement des universités au XIIIe siècle que le terme nation s’est imposé pour désigner la partie du professeur et de l’étudiant qui n’est pas celle du lieu. C’est l’université de Bologne qui a généré un usage qui s’étend rapidement. À partir de là, la nation est devenue, dans les langues romanes, la communauté formée par les parents : parents de sang, paternels, familiaux, qui, en se constituant en famille, transmettent une culture concrète. La nation définit ainsi une communauté “ethnique”, où l’on retrouve la communauté de sang et la communauté de culture.

Le terme “culture” a également sa propre histoire. Il trouve son origine dans le latin, où il désigne les cultivations et l’agriculture, et est utilisé au sens figuré comme “l’action de tenir une cour”. Bernardo Davanzati avait déjà formulé en 1638 l’expression cultura civile, associant les concepts de culture et de citoyenneté (la civitas), d’où la préférence des Lumières du XVIIIe siècle pour l’emploi de civilisateur et de civilisation pour désigner la culture d’une époque.

Il est intéressant de noter que le concept de nation en tant que communauté de parents permet à un individu de se sentir ressortissant de différentes nations, selon le lieu et la manière dont il a établi ses liens de parenté. Un individu peut se sentir ressortissant de plusieurs nations parce qu’il a un degré de parenté différent avec l’une et avec l’autre. Fréquemment, la nation sert à structurer des groupes flexibles en fonction des intérêts politiques. C’est ce qui s’est passé par exemple lors du Concile de Constance au XVe siècle, où les étudiants, comme les universités, se sont répartis entre la nation française, la nation anglaise, la nation italienne et la nation allemande ; il est intéressant de noter que ces derniers comprenaient entre autres des Hongrois, des Tchèques, des Polonais, des Danois et des Suédois, pour ne citer qu’un exemple montrant que le terme “nation” n’avait pas le sens qu’on lui donne aujourd’hui.

Face à cet usage flexible, les siècles XVIIIe et XIXe ont vu apparaître un usage restrictif. Le premier dictionnaire de l’Académie française (1694) définit la nation comme “l’ensemble des habitants d’un pays qui vivent sous les mêmes lois et utilisent la même langue”. En 1729, Fray Jerónimo de Feijoo fait la différence entre l’amour de la patrie et la passion nationale, et qualifie le premier d’essentiel et d’exigible, et la seconde de désordonnée et de perturbatrice. Il dénonce également avec un nouveau terme, paisanismo, l’idée de concevoir une forme concrète de passion nationale qui consisterait à préférer les paysans au moment de former des équipes de gouvernement.

L’ouvrage Essais sur le génie et le caractère des nations de François-Ignace d’Espiard de la Borde, publié en 1743, propose l’existence d’un caractère national qui serait modelé par le climat et l’histoire. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, différents penseurs européens développent pendant plusieurs décennies cette idée du caractère national propre à chaque peuple. En 1768, Justus Möser publie l’Osnabrückische Geschichte dans laquelle il définit la nation comme la conjonction des citoyens réunis dans un espace politique, indiquant qu’elle ne doit pas être conçue comme un univers culturel fermé, mais ouvert sur le monde. Enmanuel J. Sièyes, dans Qu’est-ce que le tiers état ? (1789), ajoutera l’idée de communauté d’origine et de culture, et l’idée que tous les pouvoirs de la nation émanent de la volonté du peuple. La nation n’est donc plus donnée (parenté) et façonnée (culture), mais soumise à l’évolution du peuple.

Les philosophes allemands renforcent cette union entre la nation, le peuple et la culture. Johann Gottfried Herder reprend l’idée de la nation unie au sang et à la culture dans la Philosophie et histoire de l’humanité (1774) et surtout dans les Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité (1784-1791). Chaque nation aurait, selon Herder, un Volkgeist, une “âme du peuple”, qui s’exprime à la fois dans chaque membre de la communauté et dans la nation en tant que telle ; chaque nation serait définie par une langue, des coutumes et une mission spécifique dans l’histoire. Friedrich von Schlegel, dans Die Entwicklung der Philosophie, définit la nation comme une unité morale et culturelle, à la manière d’une grande famille “dans laquelle se retrouvent de nombreuses familles et tribus en raison de l’unité de la constitution, des usages et des coutumes, de la langue et des intérêts communs”. Johann Gottlieb Fichte renforce l’identification entre un peuple, une nation et une culture dans ses Discours sur la nation allemande (1807-1808) où il définit la nation comme “un ensemble d’hommes qui parlent la même langue : qui ont subi les mêmes influences extérieures sur leur organe vocal et qui cultivent leur langue par les communications qu’ils ne cessent d’avoir entre eux. En définitive, ce sont les hommes qui sont formés par la langue, et non la langue qui est formée par les hommes.” La nation se définit ainsi à la fois par une langue, une culture et un destin. Le système éducatif doit donc se mettre au service de la diffusion de la culture nationale. Fichte va un pas plus loin : il pensait également que toutes les nations n’étaient pas également responsables et que leur valeur dépendait de leur niveau de développement moral et culturel. Pour lui, la culture était aussi une entité cachée.

Le concept de nation des philosophes du romantisme allemand – la nation est une communauté ethnique dotée d’une âme, d’une langue et d’une vocation nécessairement politique – s’étend au monde entier. Bien que de nombreux romantiques aient été très cosmopolites, l’histoire nous enseigne que certaines de ces idées, formulées dans le contexte de la réaffirmation de l’unité allemande au début du XIXe siècle, ont structuré la réalité de nombreuses nations pendant des siècles. Dans leur version la plus perverse, ils sont à la base des totalitarismes du XXème siècle et des mouvements suprématistes du XXème et du XXIème siècle.

Face à ceux qui défendent cette conception de la culture et de la langue comme des réalités cachées liées à l’identité nationale, il en existe une autre qui promeut la langue et la culture d’un pays comme une réalité ouverte et en constante évolution. D’une certaine manière, elles actualisent des formulations antérieures aux propositions du 19e siècle. D’innombrables preuves historiques, linguistiques et culturelles attestent de l’influence continue et mutuelle entre les cultures et les langues. Non seulement en raison des mouvements constants de population, mais aussi en raison de la nature même de l’être humain, de l’héritage culturel et des langues. Pour approfondir ces aspects, nous vous invitons à lire le module 10 sur la gestion culturelle et linguistiques dans des régions de frontière.

Activité : Nous vous invitons à regarder la vidéo de présentation de l’excellente exposition célébrée au Musée du Prado Velazquez, Rembrandt et Vermeer. Miradas afines, qui analyse “l’influence considérable que la sensibilité et l’idéologie nationalistes des siècles XIX et XX ont exercée sur notre façon d’appréhender l’art”. Réalisée en collaboration avec le Rijksmuseum et 15 autres institutions, dont le musée Mauritshuis de La Haie, la National Gallery de Londres ou le Metropolitan de New York, cette exposition rassemble 35 œuvres extraordinaires qui illustrent la création culturelle comme une réalité ouverte.

Clé : Comme l’a dit le philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955), “L’unité de la peinture d’Occident est l’une des grandes réalisations qui manifestent l’unité de la culture européenne” et, de ce fait, elle aide à déconstruire le concept de nation du romantisme qui est si difficile à cerner. Un retour rapide à l’histoire de la littérature renforce le même argument : l’étude du cycle artistique dans la littérature médiévale, la Renaissance, l’impact de la/des réforme(s) protestante(s), la sensibilité baroque, voire l’extension dans toute l’Europe du romantisme allemand même, le réalisme ou les avant-gardes. Tous ces phénomènes ne peuvent pas être expliqués à partir d’une perspective nationale isolée. Conformément à la preuve que les langues et les cultures sont des entités ouvertes les unes aux autres et en constante évolution, l’interculturalité n’est en aucun cas une rencontre de cultures nationales fermées et imperméables qui se réunissent pour des activités déterminées. Une compréhension correcte des cultures au XXIe siècle exige de prendre conscience non seulement de ce que nous sommes, mais aussi de tout ce qu’il y a d’Autre en nous.

L’interculturalité est donc à la fois une forme de vie et un processus avec une approche transformatrice qui fait partie de la connaissance de soi et de la reconnaissance de la diversité, et qui génère des conditions de dialogue et des relations interculturelles dans l’égalité des conditions de dignité afin de créer des formes de vie complémentaires et durables. Il a des dimensions dans tous les domaines de la vie, y compris au niveau personnel. Nous vous invitons à explorer cette dernière dimension dans l’activité suivante.

Activité : Le concept de nation du romantisme a facilité une vision très stéréotypée des personnes, auxquelles on attribue fréquemment les caractéristiques de la nation. Il n’est pas toujours facile de déconstruire ces images, mais la science nous y aide. Nous vous invitons à participer à une campagne de publicité qui vous aidera à déconstruire ces images. Elle s’intitule The DNA Journey et a été conçue par l’agence de publicité &Co et Bacon du Danemark pour Momondo.

Clés : Les stéréotypes culturels sont une forme de catégorisation qui, comme tous les stéréotypes, empêchent de connaître les personnes avec leurs caractéristiques propres. En tant qu’êtres humains, il nous est plus facile de communiquer avec nos semblables et nous devons apprendre à gérer la diversité.

Les stratégies de gestion de la diversité les plus courantes sont les suivantes :

  • Négation : Nier qu’il y a une différence et agir comme s’il n’y avait pas de différence. Cela peut être efficace à court terme, mais à moyen et long terme, cela conduit à des conflits.
  • Polarisation : Juger la différence comme l’élément qui nous sépare définitivement de l’autre. Manifester directement le conflit.
  • Minimisation : Il s’agit d’une stratégie commune visant à minimiser les effets sur la relation. Le risque de ces stratégies est que, maintenues à long terme, elles deviennent superficielles et peu durables.
  • Acceptation : Percevoir la différence et essayer de comprendre sa raison d’être et ses conséquences dans la relation. Implique de la part de tous les acteurs un effort plus important que les stratégies précédentes. Est durable à long terme si elle est combinée à l’adaptation.
  • Coupure : Percevoir la différence, mais renoncer intentionnellement à l’une des parties en raison de sa diversité afin de minimiser l’effort de compréhension et d’adaptation ainsi que le risque de conflit. Cela peut s’avérer utile à court terme, mais à long terme, cela devient étranger et alimente le conflit.
  • Adaptation : Percevoir la différence et réaliser les changements nécessaires dans la relation pour faciliter les objectifs communs en tenant compte du nouvel environnement différent. Le risque est que l’adaptation, si elle ne tient pas compte de la complémentarité, perde les objectifs communs et empêche la poursuite de la collaboration à moyen et long terme.

Une application de la perspective interculturelle positive dans les stratégies antérieures est nécessaire :

  • Connaissance et connaissance de soi: Ces procédures permettent de surmonter le racisme, les résistances et les préjugés. Ils favorisent l’autostimulation de l’identité propre à partir de la connaissance, du respect et de l’estime de l’autre ;
  • Respect : traite avec dignité, pratique l’écoute respectueuse, recherche la libre reconnaissance de l’autre et accepte l’existence d’autres modèles d’interprétation de la réalité différents du sien ;
  • Dialogue horizontal : comprend l’élection du dialogue et la participation en parité et reconnaît qu’il n’y a pas de vérités unilatérales ;
  • Compréhension mutuelle : recherche activement l’enrichissement mutuel, la synergie avec l’autre et la résonance en l’un des propositions de l’autre ; elle renforce la capacité d’empathie, le fait de se projeter à la place de l’autre.
  • Synergie : garantir la diversité dans la formation des équipes, les contributions diverses et le travail et l’apport de chacun, en étant conscient que l’équipe est plus que la simple somme des individualités.
  • Complémentarité : La force de la rencontre entre égaux et divers, ainsi que les stratégies qui transforment les asymétries de pouvoir existantes en avantages mutuels.

Nous vous invitons à approfondir chacune de ces compétences de la Fundación Futuro Latinoamericano : ¿Qué es la interculturalidad? – YouTube

Unité 1.3. Assumer l’interculturalité dans la gestion d’équipes

Comme nous l’avons vu, la gestion positive de la diversité humaine et culturelle constitue l’un des grands défis démocratiques. Il s’agit d’un défi non seulement lié à la diversité interne – celle de la citoyenneté du pays – mais aussi externe – celle de la population immigrée qui arrive sur le territoire. Comme nous l’avons vu dans le tableau 1, nous devons analyser avec soin si l’utilisation de chaque terme est liée à l’exercice des droits qu’il contient. Maintenant, nous allons nous concentrer sur les modèles de ce tableau, afin d’extraire des connaissances sur les formes de gestion des équipements. La bibliographie actuelle décrit trois modèles de gestion des groupes, communautés, organisations ou entreprises divers : l’interculturalisme, l’assimilation et le multiculturalisme. Selon le Conseil de l’Europe, l’interculturalisme est un concept qui donne la priorité au “potentiel positif de la diversité en tant que point de départ et horizon des villes modernes”. Le modèle assimilationniste privilégie l’égalité au détriment du respect de la diversité, tandis que le multiculturalisme privilégie les différences culturelles en minimise la cohésion avec d’autres groupes.

Clé : Par rapport au modèle assimilationniste ou multiculturel, une société interculturelle (et donc les équipes interculturelles) a pour objectif de parvenir à l’égalité et à la cohésion sociale en respectant, en appréciant et en exploitant la diversité en tant que facteur d’amélioration des sociétés/équipes. Vous pouvez approfondir ce concept en visionnant la vidéo Module 2 – Comprendre l’intégration interculturelle – Programme des cités interculturelles (coe.int)

Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons définir l’intégration interculturelle comme “un cadre politique pour assurer la cohésion, l’égalité et le développement dans des sociétés culturellement diversifiées”. Ce “cadre politique” se traduit par une politique de gestion des équipes soutenue par les valeurs que nous avons déjà citées. Les événements interculturels sont donc ceux qui reconnaissent et respectent les droits économiques, sociaux, civils et culturels de toutes les personnes, indépendamment de leur contexte culturel, dans le but ultime d’assurer le développement de la cohésion de la communauté dans laquelle ils s’inscrivent.

Pour réfléchir : En appliquant un regard critique, nous pouvons affirmer que la cohésion, l’égalité et le développement ne sont pas l’apanage des sociétés démocratiques. Les régimes autocrates ou totalitaires se caractérisent précisément par la cohésion et l’égalité. Qu’entend-on par cohésion sociale dans les systèmes démocratiques ? Considère l’importance de l’interculturalité dans le développement de la cohésion sociale.

Unité 1.4. Renforcer la cohésion sociale par l’interculturalité

Nous pouvons avoir intégré dans notre activisme et dans la gestion de notre équipe les principes interculturels et multilingues. Mais comment renforcer ces valeurs au sein de la communauté dans laquelle nous intervenons ? Nous vous présentons quelques stratégies sociales qui renforcent la cohésion sociale interculturelle. Toutes ces stratégies constituent en soi des espaces idéaux pour des interventions militantes dans une perspective interculturelle et multilingue :

  • Création et facilitation d’espaces qui favorisent l’interaction et la participation des personnes.
  • Services et initiatives d’accueil de nouvelles populations, qui s’adressent à tous les types de populations tant locales qu’étrangères, axés non seulement sur les personnes qui arrivent mais aussi sur le renforcement des capacités personnelles et collectives d’accueil de la société réceptrice.
  • Des initiatives plurielles de voisinage et de la société civile renforcées par des stratégies visant à consolider la mise en réseau.
  • Stratégies de communication institutionnelle inclusives, multilingues et multimodales qui garantissent le droit à l’information de toute la population.
  • Un système éducatif universel et gratuit qui favorise la convivialité interculturelle, le respect, l’égalité, l’équité et la diversité en tant que valeurs.
  • Des initiatives de gestion des conflits qui, au-delà de la culture de la judiciarisation, promeuvent une culture de la restauration, c’est-à-dire qui envisagent le conflit sous l’angle de sa prévention, de son accompagnement, de son règlement, de la proposition de résolution avec des alternatives restauratrices par rapport aux solutions exclusivement pénales, de la responsabilité du dommage et de sa réparation. Un traitement du conflit qui place au centre du processus la victime mais qui envisage également la réintégration dans la communauté des personnes offensées.
  • Des politiques de détection, de prévention et de lutte contre la discrimination, avec des lieux d’accueil et des protocoles clairs et connus de l’ensemble de la communauté.
  • Des politiques, des espaces et des dynamiques qui garantissent la liberté religieuse et confessionnelle et qui renforcent les valeurs éthiques pour le bien commun.
  • Des politiques d’entreprise, d’emploi et de recrutement clairement interculturelles.
  • Des services publics sensibles transversalement à la gestion de la diversité avec un personnel formé aux valeurs interculturelles.

Activité : Pouvez-vous identifier des environnements ou des situations proches de vous qui appliquent la perspective interculturelle ? Pouvez-vous identifier des besoins d’amélioration ? Quels sont ceux qui pourraient faire l’objet d’une intervention militante ? Quelles sont les idées et les ressources pour y répondre ?

Pour réfléchir : L’éducateur Rich Russo a publié sur ses réseaux sociaux le 29/09/2020 l’image suivante avec une phrase célèbre de l’activiste Arthur Chan : êtes-vous d’accord avec ce contenu ?

Source : https://www.facebook.com/TEITRDT/photos/a.218024488389450/1468500933341793/?type=3

Le Conseil de l’Europe prône pour que l’intégration interculturelle ne soit pas une option dans les sociétés démocratiques2 , mais un devoir. Étant donné que toutes les sociétés sont diverses, la gestion positive et conforme à la garantie des droits de toute la citoyenneté de cette diversité est une tâche inéluctable.

Activité : L’exercice d’une citoyenneté démocratique implique également l’exercice de compétences liées à l’interculturalité. Dans la vidéo suivante Competencias básicas para una ciudadanía democrática : Competences for democratic culture du Conseil de l’Europe, vous trouverez une description de certaines de ces compétences : laquelle (lesquelles) vous semble(nt) la (les) plus pertinente(s) dans votre environnement ?

Unité 1.5. Démocratie et interculturalité

Selon Boaventura de Sousa Santos, sociologue portugais du Centre d’études sociales de l’Université de Coimbra, la démocratie est un principe sans fin. Les sociétés actuelles sont donc des sociétés diverses qui sont en constante évolution. Elles sont marquées par des facteurs internes (démographie, économie, politique ou culture) et externes (relations internationales, mobilité humaine, crises mondiales, etc.) Il faut donc être conscient que non seulement le concept de culture et d’identité nationale, mais aussi le même concept de démocratie doit s’adapter à ces nouvelles réalités et que, pour cela, il faut penser à l’interculturalité. Vous trouverez ses déclarations dans la vidéo suivante.

Activité : Quels sont les nouveaux concepts proposés par l’expert ? Quelles sont ses propositions pour améliorer la démocratie ? Quelles idées propose-t-il pour démocratiser la démocratie d’un point de vue interculturel et non monoculturel ?

Unité 2 : Clés pour concevoir dans une perspective interculturelle et multilingue

Concepts de base :

Une définition de travail d’intervention activiste est : une action ou un projet réalisé de manière volontaire et non lucrative par des personnes ou des groupes qui souhaitent initier un changement social ou de valeurs pour le bien commun. Elle implique généralement une confrontation avec les pouvoirs établis (économiques, politiques, éducatifs, etc.).

L’activisme conçu dans une perspective interculturelle et multilingue :

  • est centrée sur les personnes – et non sur les idées ou la nation – et implique la communauté dans laquelle elle s’inscrit. Il doit être précédé d’une compréhension approfondie de la réalité, des besoins et de la diversité de la communauté et des personnes impliquées (voir unité 3).
  • doit également garantir des stratégies de communication multilingues suffisantes pour donner la parole à tous ceux qui sont impliqués.
  • combine le pouvoir de l’action avec le pouvoir de transformation de ce que Gadamer définit comme un “dialogue authentique” : le “dialogue authentique” a le potentiel d’être transformateur et devrait englober des qualités telles que le respect, la confiance, l’ouverture et la liberté d’expression (Gadamer 1975). Il est également capable d’aborder des conversations difficiles. Pour en savoir plus sur la manière de procéder, cliquez ici3 .
  • identifie et traite le préjudice pour le déconstruire au lieu de l’éviter, et s’engage dans des stratégies efficaces à cet effet. Vous pouvez en savoir plus sur les stratégies que nous présentons dans le graphique suivant 4 :
Source : Ramírez et al., 2022

Un activisme centré sur les personnes est efficace si on le conçoit en fonction de :

  • Agentivité : renforcer l’agentivité de chaque individu, le rendre consciemment responsable de ses pensées et de ses actions et lui donner la capacité de travailler en réseau ;
  • Accès : garantir un accès aisé aux technologies nécessaires pour provoquer le changement ;
  • Action : identifier des solutions qui facilitent la participation aux mesures qui conduisent à ce changement. Pour en savoir plus, cliquez ici.

Comme nous l’avons vu dans l’unité 1, l’association étroite au XIXe siècle entre la nation, la langue et la culture peut devenir un obstacle à l’insertion de la perspective interculturelle dans notre activité militante. L’utilisation du mot “interculturel” en premier lieu ne constitue pas toujours le meilleur premier pas. L’art est très souvent le meilleur langage pour le militantisme. L’expression artistique est présente dans toutes les cultures, même si elle varie dans ses formes. Cela nous permet de parler de l’art comme d’un langage propre à chacun.

Le concept d’artivisme englobe l’activisme et l’art. Pour les activistes, l’art est le langage de canalisation des idées qui provoquent le changement social. Comme le disent Riemschneider et Grosnick5 , il trouve son origine dans les avant-gardes artistiques des premières décennies du XXe siècle (dadaïsme, futurisme, surréalisme) et dans ses nouveaux formats : performance, happening, body art, land art, art vidéo ou art conceptuel. L’art ne se conçoit pas comme une opposition qui interagit avec le système auquel il est confronté, mais comme une recherche de récits alternatifs par le biais de ressources artistiques telles que l’humour, l’utilisation de l’ironie, la métaphore. L’artivisme utilise toutes les disciplines artistiques, mais travaille de préférence avec les arts plastiques et dans les environnements urbains.

Un facteur important de l’art en relation avec la perspective interculturelle et multilingue est la caractéristique que l’art conceptuel confère à l’art : ce qui est intéressant, ce n’est pas la valeur en soi du produit, mais le processus. L’art considère l’expression artistique comme un langage de réflexion et de rétablissement, mais il met surtout l’accent sur les apprentissages que l’on obtient dans la forme de conception et d’exécution de l’intervention.

L’art est un monde passionnant qui dépasse les limites de ce module. Si vous souhaitez vous initier à l’art à travers des formes simples, nous vous recommandons Wicked Arts Assignments : Practising Creativity in Contemporary Arts Education, édité par Emiel Heijnen et Melissa Bremmer. Vous pouvez lire certains des chapitres autorisés ici.

 

Unité 3 : Lignes directrices pour la conception d’actions sociales interculturelles et multilingues

Cette unité vous guidera dans la conception de votre propre intervention militante. Pour ce faire, vous apprendrez trois méthodologies qui vous aideront à concevoir votre projet et vous évaluerez les différents types d’actions adaptés à vos objectifs et aux facteurs à prendre en compte.

Méthodes de changement

Nous proposons une méthodologie qui combine de manière complémentaire le meilleur de 4 approches : Design thinking, service learning, Design for change et Moonshot thinking. Tous cherchent à générer des solutions à partir d’un problème. Comme vous pouvez le voir dans le tableau inférieur, elles diffèrent par le nombre d’étapes et par leurs objectifs (certaines utilisent un langage plus créatif que d’autres), mais considérées de manière complémentaire, elles offrent un itinéraire de conception très intéressant.

La méthodologie de l’apprentissage par le service (service learning) jouit d’une longue tradition. Elle se distingue des autres méthodes par son extraordinaire capacité à s’intégrer dans les établissements d’enseignement et d’apprentissage, tant formels qu’informels, car elle intègre parfaitement dans sa conception tous les aspects du programme d’études. Le fait que cette méthodologie ait déjà été recommandée comme bonne pratique par de nombreux établissements d’enseignement et entités du troisième secteur facilite sa mise en œuvre dans de nouveaux contextes. Nous vous proposons une description détaillée ici pour faciliter votre présentation dans les centres éducatifs.

Le “design thinkingest la méthodologie la plus répandue dans le domaine de l’éducation. Dans sa formulation, en plus d’indiquer cinq étapes, il a défini trois éléments importants que toutes les méthodologies ultérieures ont incorporés : la créativité, la multidisciplinarité et le travail en équipe.

La conception pour le changement (design for change) est un développement de la précédente, mais elle introduit avec précision l’accent sur la capacité non seulement à agir ou à résoudre un problème, mais aussi à transformer ce qui est à l’origine de ce problème. Pour ce faire, il incorpore des éléments de changement systémique qui sont vraiment intéressants d’un point de vue militant. Pour en savoir plus, cliquez ici

La méthodologie Moonshot consiste à penser l’impossible et à créer ensuite tout ce qui est nécessaire pour le rendre possible. Elle s’inspire de toutes les idées qui, à l’époque, étaient considérées comme impossibles à réaliser ou totalement absurdes, mais qui, malgré tout, ont non seulement abouti, mais ont également permis à l’humanité d’accomplir de grandes avancées. Le projet s’inspire à l’idée d’aller sur la Lune formulée par J.F. Kennedy en 1964, alors qu’il n’existait pas de technologie pour y aller. La formulation d’un objectif clair a permis de nombreux développements qui ont rendu possible l’arrivée de l’homme dans l’espace et toutes les technologies qui en ont découlé (bien sûr, avec les dilemmes éthiques qui en découlent). Pour notre objectif, nous avons relevé dans cette méthodologie Moonshot quelques-unes de ses caractéristiques les plus intéressantes pour des actions d’activisme : d’une part, elle rompt les schémas : elle recherche des innovations disruptives, c’est-à-dire qu’elle ne s’arrête pas à ce qui existe déjà et qu’elle invite à trouver des solutions radicales, aussi impossibles soient-elles ; d’autre part, elle s’intéresse à ce qui est grand : utiliser la pensée exponentielle, qui invite à concevoir des améliorations exponentielles (améliorations qui signifient multiplier x10) et non sommatives (améliorations qui s’expriment en additionnant +10). Pour en savoir plus, cliquez ici.

Tant le service learning ApS que le Design for Change et Moonshot sont considérés comme des méthodologies d’innovation ouverte, c’est-à-dire qui créent des synergies en combinant les connaissances et les ressources internes (disponibles dans notre équipe ou notre entreprise) et externes (que l’on cherche à obtenir des partenaires). Le concept d’innovation ouverte doit être attribué à Henry Chesbrourgh, mais un regard critique permettrait d’affirmer que l’idée de se contenter de ce que l’on a et de trouver ce dont on a besoin est utilisée depuis le début de l’humanité. Comme nous l’avons vu dans l’unité précédente, la perspective interculturelle prédit que la collaboration entre égaux et différents génère des cycles d’innovation.

Nous vous présentons ce tableau comparatif des phases proposées dans chaque méthodologie. Dans la colonne intitulée Méthodologie BOLD, vous verrez l’objectif résultant de la synthèse des meilleures méthodes.

Activité : Nous vous invitons à réfléchir au concept de changement systémique. Bill Drayton affirme : “Les entrepreneurs sociaux ne se contentent pas d’acheter du poisson ou d’enseigner la pêche. Ils n’auront pas de repos tant qu’ils n’auront révolutionné l’industrie de la pêche”. Il est essentiel de concevoir les interventions militantes à partir du concept de transformation si nous ne voulons pas être simplement des avions de lutte contre les incendies qui apaisent les feux. Jetez un coup d’œil à ce concours de changement systémique pour les entrepreneurs sociaux de la Fondation Ashoka.

Les bonnes pratiques de chaque méthodologie nous permettent d’en créer une propre, que nous appelons Méthodologie Bold :

Ressentir et faire preuve d’empathie : Essayez de prendre la position de l’autre impliqué dans ce que vous voulez transformer. Permettez-vous de comprendre et de ressentir toutes les perspectives et sensibilités présentes. Quelle est la réalité que nous interpellons ? Qui est concerné et comment ? Quels sont les besoins ? Quels sont les intérêts, les motivations et les conditions présents ? Avez-vous un point de départ chez vous (idées, ressources, personnes) qui pourrait vous aider ? Que dit votre esprit, que disent vos émotions face à cette situation ? Pouvons-nous envisager une intervention ? S’agissait-il d’une intervention ponctuelle, à court terme, à moyen terme ou à long terme ?

Imaginer et définir : Penser non seulement à l’action, mais aussi au changement de système qui résoudra cette situation : quelle serait une solution réellement transformatrice ? Appuyez-vous sur la méthode Moonshot, c’est-à-dire sans poser de limite à l’imagination. Réunir les données, travailler à une définition de départ pour votre solution : qu’est-ce que c’est ? Quand ? Comment ? Où ? Par qui ? Pourquoi ?

Concevoir et visualiser : Visualisez cette solution en ajoutant tous les paramètres qui s’y rapportent. Le visuel permet de centrer et de concrétiser les idées. Visualiser en détail ce que chaque personne de l’équipe imagine aide à la prévention des crises tout au long du processus6 .

Élaborer des prototypes multilatéralement : Élaborez des prototypes en trois phases : 1) Que faut-il pour parvenir à cette solution dans 10 ans ? Qu’est-ce qui aura dû se passer dans ces 10 ans ? 2) Qu’est-ce qui aura dû se passer dans 5 ans ? 3) quel serait l’objectif que nous devrons atteindre en 1 an ?

Après avoir défini l’objectif général pour la première année, peut-on le diviser en objectifs plus précis ? Est-il possible de quantifier ou de préciser la manière dont nous allons évaluer si l’objectif a été atteint ? Quelles sont les activités impliquées ? Quelles sont les capacités humaines dont l’équipe a besoin ? Quelles sont celles dont nous disposons et quelles sont celles que nous devons conserver ou externaliser ? De quels moyens avons-nous besoin ? Quels sont les indicateurs que nous utilisons pour déterminer si l’action a été un succès ou un échec ? Ce processus doit être multilatéral, c’est-à-dire qu’il doit prendre en compte les perspectives et les besoins de toutes les parties impliquées. Il est important, à ce stade, de tenir compte du fait que, si l’expérience est celle d’un service d’apprentissage dans un environnement académique, il faut, à ce stade, définir les objectifs d’apprentissage et les activités dans le cadre de l’enseignement académique.

Action et documentation : Mise en œuvre. Exécuter les activités prévues sous la forme prévue. Il est important de documenter le processus en plus de l’exécuter. Vous en apprendrez plus sur cet aspect dans le module C. Maker culture and fab innovation. La documentation, bien que fastidieuse, est la meilleure façon de garantir que nous pourrons comparer notre action avec d’autres activistes et communautés de manière systématique. Nous pourrons également mieux l’évaluer, la reproduire et l’améliorer si cela s’avère nécessaire.

Le fait de consigner par écrit chaque étape du processus facilite en outre son adaptation à de nouveaux contextes, et notamment la possibilité de trouver d’éventuels experts et/ou mentors en vue de l’application et de la mise en œuvre du projet dans d’autres contextes.

Évaluer de manière multilatérale : L’évaluation est une partie essentielle car elle permet d’identifier les progrès, d’extraire les apprentissages, de revoir les erreurs et de trouver des voies d’amélioration. Il est important à ce stade de tenir compte du fait que, si l’expérience est celle d’un service d’apprentissage dans un environnement académique, elle doit être évaluée, à ce stade, comme elle l’a été dans le cadre du programme académique. Quelles sont les données dont nous disposons sur les indicateurs de réussite établis ? Quels nouveaux indicateurs sont apparus ? Avons-nous atteint notre objectif ? Que devons-nous améliorer ? Qu’est-ce qui nous a le plus surpris ? Comment se porte l’équipe ?

Célébrer : Cette phase est habituellement programmée à la fin du processus et uniquement en tant qu’activité interne de l’équipe. La valeur de la célébration des résultats et des apprentissages peut être, sans aucun doute, transversale au projet. L’aménagement d’espaces pour célébrer les petites réussites améliore la santé et la cohésion de l’équipe. Il convient également de célébrer les interventions militantes, une fois le projet achevé, avec tous ceux qui sont impliqués et avec la communauté où il s’est déroulé. Il renforce la capacité d’action de la société civile.

Partager et transférer : Le transfert de bonnes pratiques est une forme fondamentale pour générer un changement social. Connecter les initiatives de bonnes pratiques de votre équipe à d’autres communautés et à d’autres zones géographiques ou culturelles ne permet pas seulement de se développer, mais aussi d’augmenter votre impact social dans le domaine de la question à laquelle nous essayons de répondre. Connaître le projet, ses succès et ses erreurs facilitera le chemin vers d’autres activistes. Il est important que la documentation soit en libre accès (open source) si l’on veut que l’expérience soit enrichissante. Avec les applications technologiques actuelles de traduction, des textes dans des langues très différentes sont déjà traduits, ce qui permet à votre expérience d’aboutir à des résultats insoupçonnés.

Réévaluer : Une écoute sincère et honnête pendant le transfert permet à la fois de recevoir des commentaires d’autres activistes et organisations sur votre propre travail. Ne vous découragez pas.

Dans le cadre de ces étapes, deux éléments transversaux ont été définis pour chacune d’entre elles :

Accompagner : Tout au long du processus, il est fondamental de renforcer la confiance et les capacités des personnes afin qu’elles puissent mettre en œuvre des solutions propres et adaptées aux caractéristiques du contexte pour les problèmes qu’elles se posent. L’accompagnement est essentiel, surtout si les activistes sont jeunes. Nous avons souvent tendance à penser que la meilleure solution vient toujours de l’extérieur : nous importons des idées, des méthodologies, des experts, entre autres, et nous reléguons le savoir qui réside dans la propre communauté et les personnes qui en font partie. Il ne faut pas oublier d’accompagner chaque personne de l’équipe dans ses décisions, en écoutant, en donnant un retour d’information, en posant des questions, en encourageant, en renforçant.

Mesure : Concevoir tout le processus en utilisant des indicateurs que l’on peut mesurer permet d’obtenir des données objectives tant sur l’évolution que sur l’ampleur du projet réalisé. Les indicateurs apportent également une objectivité aux émotions résultantes, tant positives que négatives, et permettent ainsi d’évaluer tous les résultats obtenus. La quantification permet en outre de concevoir de meilleurs projets pour l’avenir et d’améliorer et de transférer ceux qui ont été réalisés.

Rappelons également que, comme nous l’avons vu, la documentation et la célébration doivent être des processus transversaux aux différentes étapes.

Activité : Dans cette activité, nous vous présentons un cas qui vous inspirera pour votre propre pratique : le travail d’Anita Soina, une activiste reconnue au niveau international pour son approche interculturelle et multilingue intégrée. Vous trouverez les informations ici :

Clés :

  • Activiste : Anita Soina (Kenya)
  • Capacités d’encadrement : audacieux et compétent pour exposer les problèmes et proposer des solutions possibles à ces difficultés à tout interlocuteur (entourage du jeune, communauté propre, autres communautés, classe politique).
  • Communauté de référence : la communauté Msasai, où elle est née en 1999, dans le North Kajiado (Kenia).
  • Un facteur biographique déterminant : Le fleuve Mara, le fleuve de son enfance, voit sa côte diminuer radicalement à cause de la déforestation, de l’exploitation minière, de la mauvaise gestion des ressources et du changement climatique.
  • Formulation du problème qui motive l’action : Sécurité humaine : les mauvaises conditions du Mara affectent le système de subsistance de la communauté, dédiée au pastoralisme. Indicateurs d’impact négatif : le manque d’eau potable, la perte de bétail entraînant la perte des moyens de subsistance, la perte de vies, l’insécurité sanitaire et alimentaire, l’inégalité dans l’éducation (les femmes sont des porteuses d’eau essentielles) et l’inégalité entre les sexes (mariages forcés afin d’obtenir des ressources pour la famille), entre autres. Problèmes dérivés : les conflits et la violence croissante liés aux ressources.
  • Solution conçue : Création de capacités de conservation par le biais de volontaire.s qui acquièrent des connaissances et des compétences en matière de gestion du climat.
  • Phases :
    • Initiative de plantation d’arbustes dans la communauté
    • Simplifier le langage de la sécurité intérieure et rendre divertissants la connaissance et la prise en charge (publication The Green War).
    • Accepte de collaborer avec le sénateur Moses Otieno Kajwang pour former à l’environnement les législateurs et les parlementaires kényans.
    • Recruter un groupe moteur de jeunes aux profils sociaux et professionnels variés, les sensibiliser à l’impact climatique et les convertir en “gardiens” de leur environnement. (Indicateur de réussite : avoir plus de 400 jeune en deux pays).
    • Sélection d’établissements de référence pour l’amélioration de la santé et de l’hygiène menstruelle
    • Production de matériel pédagogique pour les écoles rurales.
  • Domaines d’impact : incidence et sensibilisation, éducation climatique dans les écoles et les zones rurales, sécurité sanitaire, protection de l’environnement, repeuplement des forêts et des paysages ; connexion des jeunes des zones urbaines avec les espaces verts et les zones naturelles attrayantes telles que les parcs, les réserves et les zones protégées.
  • Instruments propres générés :
    • SpiceWarriors Climate and Environmental Organization : Promouvoir le mouvement d’action pour le climat parmi les jeunes et les enfants du Kenya et de la Tanzanie par le biais d’activités environnementales telles que la reforestation, la promotion et l’éducation climatique dans les écoles.
    • La Fondation Soina : Pour lutter contre les inégalités en matière d’éducation.
  • Outils de communication : Green Warriors TV, Eco Tours et Adventure. Les témoignages des enfants et des jeunes qui participent au projet sont entendus et amplifiés.
  • Éléments interculturels :
    • Donne de la dignité d’une communauté Massaï s’exprimant sur un problème mondial (fréquemment documenté et négocié uniquement en anglais).
    • Utiliser les médias linguistiques : La faible participation des communautés se traduit fréquemment par le fait que les communautés n’ont pas accès à l’information (en termes d’idiome ou de niveau culturel).
    • Faciliter l’inclusion du savoir indigène présent dans les communautés dans les données qui informent les décisions.
    • Incidence politique sur l’élaboration de mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique contextualisées
    • Contexto multilingüe : masaï, suahili, anglais.
  • Plus de créativité : inclut la diversité comme critère, utilise un langage jeune (Spice Warrior), s’associe à la procédure Climate Action Champion.
  • Impact : Championne du monde de la jeunesse pour l’Association mondiale de l’assainissement et de l’eau pour tous (SWA) sous l’égide de l’ONU
  • Partenariats pour multiplier son impact:
    • Parlementaires au Kenya
    • Sommet du climat de l’Afrique à Nairobi, Kenya
    • Secrétariat général des Nations Unies
    • Autres leaders africains

Questionnaire

Unité 1

  1. Le terme interculturel
    1. – Il est positif
    2. – Il s’agit d’un résultat négatif
    3. – Il est neutre
    4. – Dépend de l’idéologie de celui qui l’utilise (x)
  2. L’affirmation de “une nation, une langue et une culture”. Cochez la(les) réponse(s) incorrecte(s) :
    1. – est un fait naturel
    2. –  est une construction du XIX
    3. – est un choix politique
    4. – Aucune des réponses précédentes n’est incorrecte.
  3. Indiquez laquelle des formes suivantes n’est pas une forme de gestion de la diversité : (choisissez 4 à 6)
    1. Négation
    2. Séparation
    3. Acceptation
    4. Coupure
  4. Indiquez si l’une des stratégies suivantes n’est pas de nature à renforcer la cohésion sociale interculturelle
    1. Communication institutionnelle inclusive et multilingue
    2. Un système éducatif universel et gratuit qui favorise la convivialité interculturelle, le respect et l’égalité.
    3. Initiatives de gestion des conflits par le biais d’une prise en charge judiciaire efficace
    4. Politiques de détection, de prévention et de lutte contre la discrimination

Unité 2

  1. Indiquez si l’une de ces caractéristiques ne correspond pas à la définition d’”activisme” :
    1. – volontariat
    2. – monétisable
    3. – aspire à un changement social
    4. – travailler pour le bien commun

(réponse : L’activisme est par définition une activité à but non lucratif.)

  1. Quelle caractéristique ne fait pas partie du “dialogue authentique” selon Gadamer ?
    1. Respect
    2. Confiance
    3. Spontanéité
    4. Liberté d’expression
  2. Quelles sont les stratégies qui permettent de lutter contre les préjugés ?
    1. Aptitude positive
    2. Comportement élégant
    3. Confirmation automatique
    4. Modifier la conduite

(réponse dans le tableau de Ramírez et al.)

  1. Quels sont les signes d’un activisme centré sur les personnes ?
    1. Ambition
    2. Agentivité
    3. Accès
    4. Action

Unité 3

  1. Indiquer les méthodes dont on s’inspire BOLD
    1. Service learning
    2. Visual thinking
    3. Design thinking
    4. Design for good
  2. Quelles sont les méthodes d’innovation ouverte ?

(Celles qui rassemblent les connaissances et les ressources internes et externes)

  1. Étapes de la méthodologie BOLD
    1. Rassentir et faire preuve d’empathie
    2. Présumer
    3. Elaborer des prototypes multilatéralement
    4. Célébrer
  2. Éléments transversaux de la méthodologie BOLD
    1. Gratuité
    2. Accompagnement
    3. Médicaments
    4. Documentations

Notes

1 Andrés-Gallego, J. Los tres conceptos de nación en el mundo hispano. En : https://digital.csic.es/bitstream/10261/16354/1/NacionSevillaXVIII2004.pdf

2 Pour retrouver les fondements des sociétés démocratiques, lisez le chapitre Démocratie du Manuel d’éducation aux droits de l’homme pour les jeunes du Conseil de l’Europe,

3 “Engager des conversations difficiles en classe”, fr : Page, Christina. Interculturalizing the Curriculum. https://kpu.pressbooks.pub/interculturalizingcurriculum/

4 M. L. Ramírez Galleguillos , A. Eloiriachi, B. Serdar et A. Coşkun : Design Strategies to Promote Intercultural Meaningful Social Interactions, pág.2207/8.

5 Riemchneider, B. et Grosenick, U. (1999). L’art à la fin du millénaire. Köln : Taschen.

6 Dans les projets à moyen et long terme, la première crise peut avoir l’une de ces trois causes : Le manque de vision initiale, le manque de leadership, le manque de moyens financiers. Visualiser en détail et poser beaucoup de questions en équipe est une bonne façon de prévenir la première cause.

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